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La flamme olympique de la gouvernance vacille…

2016-05-10

Gouvernance

La Ville de Québec a récemment décliné l’invitation du Comité International Olympique (CIO) de présenter sa candidature aux Jeux Olympiques d’hiver de 2024. Couverture médiatique essentiellement locale… Fait local divers? Et bien, non, justement. Fait local important à portée internationale. Comment peut-on passer sous le silence le refus à une invitation aussi prestigieuse et convoitée par une ville de taille moyenne d’Amérique? Pourquoi? Dans une lettre transmise au président du CIO, le maire de Québec explique son refus par les doutes liés au traitement équitable de la candidature de sa ville et aux chances de succès mitigées. Il met en lumière l’existence d’un conflit d’intérêts.

Le CIO est responsable de la sélection des villes hôtes qui accueilleront les Jeux . Il compte 91 membres actifs. Nous comprenons que les membres du CIO ne sont pas apatrides et qu’ils peuvent considérer favorablement la tenue des Jeux dans leur pays d’origine. Cependant, deux des membres influents du CIO franchissent les frontières du raisonnable. En effet, René Fasel et Gian-Franco Kasper, citoyens suisses, participent activement à la préparation de l’éventuelle candidature d’une ville suisse. Ceux-ci sont également présidents de deux fédérations internationales influentes: la Fédération internationale de Ski (FIS) et la Fédération internationale de hockey sur glace. Elles sont les poumons des Jeux d’hiver. En effet, elles administrent les principaux sports d’hiver à l’échelle mondiale et émettent des avis sur la qualité des candidatures, notamment sur les capacités techniques.

L’athlète CIO fait piètre figure aux jeux de la gouvernance

La candidature helvétique sera présentée devant le CIO et évaluée par ses membres dont ceux qui ont participé à son élaboration. Aux yeux du maire de la Ville de Québec, cette ville suisse part avec une longueur d’avance à la ligne de départ et sera indubitablement favorisée au détriment de Québec, à la ligne d’arrivée. Cette situation met en lumière un conflit d’intérêts qui souille la crédibilité du CIO. Nous ne sommes pas en présence de la gouvernance bancale d’une organisation de sport amateur ni de la ligue de garage du village de Saint-Coincoin. Non, nous sommes devant LA référence ultime dans le monde sportif, celle qui assure l’organisation des Jeux. Le CIO doit prêcher par l’exemple – ¨Walk the talk¨- comme le disent les disciples de Shakespeare. L’indépendance des membres est fondamentale. L’absence de conflit d’intérêts est cruciale. Être juge et partie est inacceptable.

Le CIO souffre d’une crampe au mollet de sa crédibilité

La dénivellation de la montagne pour les épreuves de ski alpin a toujours été une couronne d’épines sur la tête de la Ville de Québec. Les coûts pour l’organisation des Jeux étant astronomiques, le maire souhaitait obtenir l’assurance d’un traitement équitable et intègre. Comme le maire le soutient à juste titre, comment peut-il négocier avec la FIS quand son président est tatoué d’impartialité par la promotion active de la candidature helvétique? En d’autres mots, les dés semblent être déjà pipés d’avance. Il y a de la neige sur les skis.

Le refus de la ville de Québec est une sérieuse mise en échec pour le CIO

Dans sa documentation publique, le CIO parle abondamment du renouvellement de sa gouvernance (Réf.: site internet du Mouvement Olympique). Dans sa Charte olympique, le CIO précise qu’il est « l’autorité suprême » du sport olympique et qu’à ce titre, il doit notamment encourager et soutenir la promotion de l’éthique et de la bonne gouvernance. Dans son Agenda olympique 2020, la « feuille de route stratégique » du CIO, comportant 40 recommandations, on y mentionne: « Si nous voulons renforcer la portée du message olympique, les citoyens doivent entendre notre message; ils doivent croire en notre message; ils doivent « comprendre notre message ». Mais pour bien le comprendre, il est légitime en ces temps d’incertitude qu’ils posent des questions. (…) C’est pourquoi nous renforcerons notre bonne gouvernance, notre transparence et notre éthique. » À la recommandation 27, on indique que le « Mouvement olympique » doit mettre en œuvre les principes universels de base de la bonne gouvernance. L’an 2020, c’est demain dans l’ère numérique. Les citoyens ne sont pas dupes et se questionnent. Au bout du compte, ce sont eux qui paient la facture salée des Jeux. Ils sont en droit de s’attendre que le CIO mette en application les principes de base en matière de gouvernance que sont l’indépendance, la transparence et l’absence de conflit d’intérêts.

Le CIO doit monter sur le podium de l’indépendance, la transparence et l’absence de conflit d’intérêts

Le refus de la Ville de Québec est une gifle au visage du CIO. De plus, ce refus enlève le diachylon sur une plaie, vive, celle de la gouvernance du CIO. En outre, il souffre d’une crampe au mollet de sa crédibilité. S’il souhaite améliorer la portée de son message et sa crédibilité, le CIO doit amėliorer sa performance en gouvernance pour éventuellement monter sur le podium de l’indépendance, la transparence et l’absence de conflit d’intérêts. Néanmoins, il doit exécuter une série de pompes avant d’amorcer cette course à obstacles.