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Sophie-Emmanuelle Chebin

Conseils d’administration : dépoussiérez vos ordres du jour!

2017-04-11

Gouvernance

Conseils d’administration, profitez du printemps qui pointe son nez pour faire le grand ménage et pour dépoussiérer vos ordres du jour.

L’ordre du jour est la pierre angulaire de toute rencontre du conseil d’administration. Or, il est souvent mal utilisé. Il s’agit pourtant d’un outil stratégique essentiel pour utiliser à bon escient le temps dévolu aux rencontres entre administrateurs et direction. Voici quelques pistes pour donner du lustre à l’allié indispensable de tout conseil d’administration performant.

À quoi sert l’ordre du jour?

La plupart du temps, l’ordre du jour est considéré comme une simple liste de sujets à traiter lors d’une réunion. Est-ce vraiment le cas?

Un ordre du jour efficace facilite la tenue des rencontres du conseil d’administration en permettant :

  • de renseigner sur le déroulement de la rencontre;
  • d’organiser les priorités;
  • de structurer les débats et de permettre une préparation adéquate;
  • de cadrer la réunion dans le temps;
  • et de faciliter la rédaction des procès-verbaux.
Qui prépare l’ordre du jour?

La gestion de l’ordre du jour ne devrait pas être considérée comme une banalité administrative. En effet, la personne qui contrôle l’ordre du jour influence la nature des travaux du conseil d’administration.

Aussi, c’est au président du conseil en collaboration avec la direction générale de le préparer.

Le squelette de l’ordre du jour est élaboré à partir du plan de travail annuel du CA — où sont consignés les principaux éléments à être discutés lors de chacune des rencontres du conseil — et la liste de suivis découlant des rencontres précédentes. Sont également consultés, les responsables de comités et les administrateurs.

Le président du conseil conserve toutefois la responsabilité ultime du contenu de l’ordre du jour. Il doit s’interroger sur la pertinence de chacun des sujets qui y sont présentés.

Il est d’ailleurs étonnant de constater à quel point, nombre de conseils d’administration utilisent de précieuses minutes de rencontre à traiter de questions qui relèvent d’autres instances ou à de sujets purement informatifs. Renversez la vapeur! Visez à consacrer 75 % du temps de rencontre à des sujets stratégiques relevant de la responsabilité du conseil, et seulement 25 % du temps aux questions de conformité, de routine et d’intendance.

Une fois le projet d’ordre du jour élaboré, c’est au secrétaire du Conseil de le faire circuler auprès de l’ensemble des administrateurs et des autres personnes concernées. Les administrateurs qui ont des commentaires à l’égard de ce projet ne doivent pas hésiter à en faire part au secrétaire et au président au préalable de la rencontre. Il sera plus facile de l’ajuster en prévision de la rencontre plutôt qu’une fois sur place.

Par ailleurs, l’ordre du jour ne devient officiel qu’après son adoption par les administrateurs présents lors de la rencontre.

Quelle philosophie pour l’ordre du jour?

Les conseils d’administration qui croisent le chemin d’Arsenal Conseils sont souvent prisonniers d’un ordre du jour traditionnel. En vertu de celui-ci, le début de la rencontre est consacré aux questions de routine, d’intendance et de dépôts de rapports d’information. Cette façon de faire équivaut à se consacrer au passé et à gérer en regardant dans le rétroviseur.

Le conseil d’administration ne peut influencer que ce qui n’est pas encore survenu. Aussi, nous trouvons qu’il est plus productif de consacrer la majorité du temps aux sujets d’avenir plutôt qu’au passé. Placez ces éléments au début de la rencontre, alors que les membres du comité d’administration sont encore alertes et disposent d’amplement de temps.

Résistez également à la tentation de faire de la microgestion. Adoptez la philosophie du « nose in, fingers out » traduite librement par « le conseil d’administration s’en préoccupe, la direction s’en occupe ». Aussi, les éléments qui relèvent de la responsabilité de la direction générale et de la gestion courante de l’organisation ne devraient pas être abordés.

Quelle structure pour l’ordre du jour?

Bien que l’ordre du jour doive s’adapter à la réalité de chacune des organisations, certains éléments sont communs à toutes.

L’ordre du jour d’une rencontre ordinaire du conseil comprend habituellement les points suivants :

L’information logistique — Afin de faciliter la vie des administrateurs, assurez-vous que les éléments suivants apparaissent bien en vue en tête de l’ordre du jour :

  • l’identité des personnes invitées à la rencontre (administrateurs, direction, invités spéciaux, etc.);
  • la date, l’heure et la durée prévue de la rencontre;
  • le lieu de la rencontre (incluant l’adresse, notamment pour les CA qui se tiennent dans divers lieux ou pour les invités);
  • le numéro de téléconférence (pour ceux qui prévoient se joindre par téléphone ou par Skype);
  • et la présence d’un repas ou d’une pause.

Ouverture de la réunion et constatation du quorum — Le président du conseil peut profiter de ce moment pour énoncer le thème, l’objectif et les résultats attendus de la présente réunion. Cette mise en contexte donne le ton aux discussions qui s’ensuivent et précise les attentes envers les administrateurs.

Certains conseils adoptent un thème par rencontre du conseil (stratégie, développement durable, croissance, finance, gestion des risques, ressources humaines, etc.) Si c’est votre cas, profitez de l’ouverture de la rencontre pour rappeler ce thème et placez-le dans le contexte des travaux annuels du conseil. Par exemple : « La rencontre d’aujourd’hui est consacrée au budget. Nous aurons des présentations sur les projections financières et les projets de l’organisation pour l’année à venir. Le vote sur le budget aura lieu lors de la prochaine rencontre.  »

L’ouverture de la rencontre devient ainsi un compas pour les discussions à venir et s’éloigne du simple élément administratif. Lorsque les discussions dérivent, il sera plus facile de les recadrer.

Adoption de l’ordre du jour et déclaration de conflits d’intérêts — Les administrateurs peuvent modifier l’ordre du jour en ajoutant, en modifiant ou en supprimant certains éléments. À cette étape de la rencontre, il est de plus en plus courant de demander aux administrateurs de divulguer tout conflit d’intérêts relativement aux sujets à l’ordre du jour.

Lecture et adoption du procès-verbal de la dernière rencontre — Si tous les administrateurs ont lu ce procès-verbal et sont d’accord pour permettre la dispense, il n’est pas nécessaire d’en faire la lecture. Prenez également l’habitude de transmettre les commentaires quant au procès-verbal en amont de la rencontre. Même chose pour les coquilles, les commentaires de style et les erreurs typographiques. Une nouvelle version peut ainsi être disponible lors de l’adoption.

Affaires découlant du procès-verbal de la rencontre précédente — C’est sous ce vocable que sont réunis les développements quant aux suivis découlant des procès-verbaux des dernières rencontres. Pour gagner de précieuses minutes, vous pouvez transmettre la liste des suivis dans la trousse de convocation. Lors de la rencontre, ne reste qu’à aborder les items nécessitant un suivi ou sur lesquels les administrateurs souhaitent commenter.

Voilà qui complète la portion préliminaire de la rencontre. Entrons maintenant dans le vif du sujet.

  • Points de décision — Insérez ici tous les éléments sur lesquels le conseil d’administration doit se prononcer. Ces éléments peuvent être soumis par la présidence, le comité exécutif, les comités ou la direction générale. Le libellé de chacun des sujets devrait être suffisamment explicite pour éviter la confusion et encadrer les discussions. Dans la mesure du possible, chacun des points de décision devrait être accompagné d’une proposition et de la documentation pertinente qui serviront de guide aux délibérations du conseil.
  • Points de discussion — Se retrouvent ici les éléments qui ne demandent pas de décision immédiate. Cette portion de la rencontre est particulièrement utile pour permettre aux administrateurs de s’approprier un sujet ou un projet. Ces sujets de discussion sont également opportuns au moment d’aborder des sujets qui ont des impacts à moyen et à court terme pour l’organisation. Ce pourrait être le cas, par exemple, de la réflexion entourant le développement d’un nouveau marché, d’un nouveau produit ou du plan de financement de l’organisation.
  • Points d’information — C’est à ce moment que le CA est informé des rapports du président, des comités et de la direction. Les rapports financiers peuvent être inclus dans cette section. Certains conseils déposent la liste de ces éléments préalablement à la rencontre et n’abordent que les éléments sur lesquels les administrateurs demandent des précisions ou souhaitent faire des commentaires. D’autres conseils préfèrent discuter systématiquement de ces éléments lors de la rencontre.

Notre expérience démontre que l’un des principaux irritants évoqués par les administrateurs relativement aux rencontres du conseil est le temps consacré à la revue page par page de l’information financière. Loin de nous l’idée de minimiser l’importance d’aborder les questions financières régulièrement au CA. Toutefois, un tableau de bord présentant en un coup d’œil les principaux indicateurs de performance financiers et opérationnels peut être moins rébarbatif pour les administrateurs tout en étant moins chronophage. Si la réalité de votre organisation s’y prête, pensez-y!

En évitant la présentation verbale de rapports détaillés, on favorise le dialogue et les échanges plutôt que les présentations unidirectionnelles. La rencontre n’en deviendra que plus dynamique.

D’ailleurs, pourquoi ne pas profiter de ce segment afin d’approfondir les connaissances sur un sujet propre à votre organisation ou sur leur rôle d’administrateur. Un court échange sur un article d’intérêt pour le CA peut remplir le double objectif de perfectionnement des administrateurs et de réflexion stratégique.

  • Affaires diverses (varia) — Les éléments à aborder ici sont précisés au moment de l’adoption de l’ordre du jour. Ceux-ci doivent être limités au minimum. Il faut éviter de créer un sous-ordre du jour à même l’ordre du jour principal.
  • Date et lieu de la prochaine rencontre du CA — Profitez-en pour rappeler le thème de cette rencontre et les principaux éléments qui y seront abordés.
  • Levée de la réunion — C’est le moment parfait pour boucler la boucle et faire un bref rappel de ce qui a été accompli pendant la rencontre.
Considérations pratiques
  • Hiérarchisez les items — Il est essentiel de hiérarchiser les points à l’ordre du jour. Ceux-ci devraient être classés en fonction de leur rang de priorité afin de s’assurer que le conseil dispose du temps nécessaire pour en traiter. Ainsi, les points importants seront traités en début de rencontre.
  • La tendance naturelle est toutefois de placer les items d’intendance au début de la rencontre en se disant qu’on en disposera rapidement, ce qui permettra de s’intéresser aux items plus énergivores par la suite. La pratique nous démontre toutefois que le résultat est souvent inverse. Pour corriger cette situation, commencez par les éléments importants alors que le conseil est encore alerte, attentif et concentré.
  • Désignez une personne responsable — En assignant une personne responsable de chacun des items à l’ordre du jour, on s’assure de l’imputabilité des administrateurs et des membres de la direction dans la préparation et la présentation des sujets à l’ordre du jour.
  • Estimez le temps requis — Afin de permettre une bonne gestion du temps pendant la rencontre, il est utile d’allouer une période de temps à chacun des éléments de l’ordre du jour.
  • Adoptez un gabarit pour les rapports — En adoptant un gabarit commun pour les rapports et les demandes d’approbation, on s’assure de transmettre aux administrateurs l’information pertinente pour démarrer rapidement les travaux du conseil, une fois en réunion.
  • Prenez garde au « copier-coller » — Avec le temps, il arrive que le confort s’installe. D’une rencontre à l’autre ou d’une année à l’autre, la tentation est forte de simplement reprendre l’ancien ordre du jour et de simplement mettre à jour l’information logistique (date, heure, lieu de la rencontre) et les items relatifs aux dossiers courants.
  • Demandez de la rétroaction — N’hésitez pas à prendre quelques minutes à la fin d’une rencontre pour demander aux administrateurs ce qu’il pense du format et du contenu de l’ordre du jour. À la lumière de ce qu’ils aiment moins et ce qu’ils aimeraient y retrouver qui ne s’y trouve pas, il vous sera facile d’adapter vos futurs ordres du jour en conséquence.
L’ordre du jour de consentement

Les conseils d’administration rodés peuvent avoir recours à un ordre du jour de consentement (« consent agenda » en anglais). Il s’agit d’une pratique qui consiste à regrouper tous les éléments de routine, de pure formalité et non controversés ne nécessitant pas de délibération afin de les adopter en bloc, sans discussion. Tous les éléments rassemblés dans l’ordre du jour de consentement sont adoptés d’une seule voix.

Cette pratique permet de libérer de précieuses minutes à chacune des rencontres. Celles-ci peuvent été réallouées à des discussions de nature plus stratégique, par exemple quant au suivi du plan stratégique, à la gestion des risques et à certaines tendances de marché qui pourraient influencer l’organisation. Ces conversations permettent des discussions en profondeur tout en mettant en valeur les expertises respectives des administrateurs.

L’ordre du jour de consentement ne peut être utilisé que si tous les administrateurs y consentent. Pour plus de détails sur cette pratique, consultez notre billet précédent consacré à ce sujet : Guide d’utilisation de l’ordre du jour de consentement pour les conseils d’administration.