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Et si la véritable force d’une organisation se jouait… chez ses gestionnaires intermédiaires?
2025-12-15
Gouvernance
Dans de nombreuses organisations, les discussions se concentrent principalement sur deux pôles : la haute direction et les équipes de terrain. Entre les deux se trouve pourtant une couche essentielle, souvent peu visible mais absolument déterminante dans la réussite des organisations : les gestionnaires intermédiaires.
Cette couche est celle qui transforme la stratégie en actions concrètes. Celle qui porte le climat, nuance les messages, soutient les équipes, détecte les tensions. Celle qui incarne la cohérence — ou l’absence de cohérence — dans le quotidien opérationnel.
Et pourtant, dans la majorité des diagnostics que réalise Arsenal, cette couche est sous-estimée, mal outillée ou insuffisamment considérée dans la dynamique stratégique.
Un épisode récent, issu d’un mandat auprès d’une organisation en transformation, en témoigne avec force. La direction croyait avoir clairement communiqué ses priorités. Les messages avaient été transmis à plusieurs reprises, les orientations expliquées, les enjeux présentés. Pourtant, dans les entrevues menées auprès du personnel, un constat revenait constamment : la couche de gestion intermédiaire ne se sentait ni impliquée, ni sollicitée, ni en maîtrise des transformations en cours.
Un constat surprenant pour la haute direction, qui en doutait sincèrement. Ce n’est qu’après avoir échangé directement avec quelques gestionnaires, dans un cadre informel, que l’écart est apparu dans toute sa clarté : besoin de soutien, manque de clarté opérationnelle, rôle ambigu dans les chantiers prioritaires, sentiment d’être à la fois exposés et peu outillés.
Ce type de décalage n’est pas rare. Il est même courant.
Et il rappelle une vérité essentielle : aucune stratégie, aussi brillante soit-elle, ne se déploie sans la mobilisation de la couche intermédiaire.
Les études s’accordent à dire que les gestionnaires intermédiaires jouent un rôle déterminant. The Economist les décrit comme « la charnière », HBR comme « les traducteurs du sens », McKinsey comme « les accélérateurs du changement ».
Pourquoi? Parce qu’ils sont les seuls à se situer au croisement de deux réalités :
Ils voient les deux côtés. Ils naviguent entre les ambitions de transformation et les réalités humaines. Ils stabilisent les équipes dans les moments d’incertitude.
Ils détectent les signaux faibles que ni les dirigeants ni les équipes de terrain ne perçoivent encore.
Sans eux, la stratégie reste théorique. Avec eux, elle devient actionnable.
Dans plusieurs organisations, Arsenal observe le même phénomène :
Ils se retrouvent à gérer vers le haut et vers le bas simultanément — avec, souvent, une charge administrative disproportionnée qui les éloigne de leur rôle réel : soutenir les personnes et structurer les actions. Le résultat est prévisible : ambivalence, zone grise, résistance douce, perte de cohésion, déploiement laborieux des projets transversaux.
Plusieurs éléments se recoupent :
Les organisations distinguent volontiers le stratégique et l’opérationnel. Or, les gestionnaires intermédiaires ne sont ni l’un ni l’autre : ils sont le lieu de la traduction.
Leur quotidien est dense, fragmenté, exigeant. Ils gèrent des opérations, des enjeux humains, des urgences, des priorités mouvantes — souvent sans accompagnement structuré.
Le leadership, la communication, la gestion du changement et l’habileté relationnelle sont les compétences les plus déterminantes de leur rôle. Pourtant, ce sont précisément celles pour lesquelles ils reçoivent le moins de soutien.
Dans la culture organisationnelle, la haute direction est valorisée, le terrain est valorisé.
Le milieu, moins. Alors qu’il est le cœur du système.
Ils font ce que personne d’autre dans l’organisation ne peut faire :
Ils jouent aussi un rôle clé dans l’expérience employé. La plupart des gens quittent un gestionnaire, rarement une organisation. Et la plupart restent grâce à un gestionnaire, rarement grâce à une stratégie.
Dans de nombreux mandats, Arsenal observe quatre erreurs récurrentes qui minent l’impact des gestionnaires intermédiaires. Elles paraissent parfois anodines, mais leur effet cumulatif est majeur.
Lorsque la stratégie, les priorités et les arbitrages sont décidés exclusivement au sommet, la couche intermédiaire devient simple exécutante d’un plan qu’elle n’a ni éclairé, ni testé, ni mis en perspective.
Conséquences observées :
La pertinence de leur implication ne tient pas à la participation démocratique. Elle tient à leur capacité unique de voir l’impact réel : sur les charges de travail, les flux opérationnels, les compétences requises, le climat d’équipe, les risques et les dépendances.
Sans eux, la stratégie flotte. Avec eux, elle s’ancre.
Dans plusieurs organisations, la couche intermédiaire consacre une part disproportionnée de son temps à :
Ces tâches ne sont pas inutiles. Elles sont simplement trop nombreuses pour un rôle dont la valeur repose essentiellement sur la relation, l’accompagnement et la priorisation.
Effets constatés :
Une organisation ne peut pas demander aux gestionnaires d’être des leaders si elle les traite comme des scribes.
L’ambiguïté est l’un des pires ennemis des gestionnaires intermédiaires
L’ambiguïté est l’un des pires ennemis des gestionnaires intermédiaires. Lorsqu’ils ne savent pas précisément :
…ils avancent dans des zones floues où l’assurance laisse place à la prudence excessive, et où la prudence excessive ralentit tout.
Conséquences courantes :
Un gestionnaire peut composer avec une charge lourde. Il ne peut pas composer longtemps avec une charge floue.
Partout, le rôle des gestionnaires intermédiaires a évolué :
Mais les organisations investissent encore peu dans ces compétences. La majorité n’a jamais reçu de formation solide en :
Et pourtant, ce sont exactement les compétences qui font la différence dans un cycle de transformation.
Voici maintenant des pistes concrètes, pratiques, actionnables — issues des travaux d’Arsenal, de la recherche internationale et de ce que nous observons dans les organisations performantes.
Il ne s’agit pas de multiplier les comités. Il s’agit d’intégrer leur réalité avant de prendre des décisions structurantes. Concrètement, cela peut signifier :
Résultat : une stratégie plus ancrée, un message mieux porté, un déploiement plus fluide.
Une organisation performante distingue clairement :
Cette clarification, souvent négligée, transforme la posture. Elle réduit l’anxiété, soutient la cohérence, et renforce la capacité d’agir.
Cette action est simple, peu coûteuse et immensément efficace. Elle suppose d’identifier, puis de réduire :
Chaque irritant retiré représente du leadership retrouvé. Un gestionnaire qui gagne 20 % de temps libéré par semaine devient un acteur de mobilisation — pas seulement un gestionnaire d’urgence.
Les organisations gagnantes misent sur des parcours réels de développement :
Le leadership intermédiaire ne s’improvise pas. Il se développe — comme une compétence stratégique.
Le leadership intermédiaire ne s’improvise pas. Il se développe…
Donner une voix ne veut pas dire créer un nouveau comité. Cela signifie créer un espace où leurs signaux faibles :
Lorsqu’un gestionnaire sait que sa perception influence l’organisation, il passe du rôle de relais à celui de partenaire de la transformation.
Les gestionnaires intermédiaires sont souvent décrits comme une « couche ». Ils sont, en réalité, la charnière qui permet à une organisation d’être cohérente, d’avancer et de tenir le cap.
Ils sont les traducteurs, les stabilisateurs, les catalyseurs. Ils sont là où la stratégie rencontre la réalité. Là où l’ambition se heurte au quotidien. Là où se jouent la mobilisation, la qualité du leadership et la vitesse d’exécution.
Toute organisation qui veut se transformer doit commencer par se poser une question simple : Nos gestionnaires intermédiaires sont-ils des relais… ou des partenaires?
Les organisations qui réussissent leur transformation ne sont pas celles qui communiquent le mieux. Ce sont celles qui investissent véritablement dans leurs gestionnaires intermédiaires — les acteurs qui transforment une intention en réalité.