Photo de Werner Pfennig sur Pexels

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Sophie-Emmanuelle Chebin et l'équipe d'Arsenal conseils

La gouvernance plongée dans la crise de la COVID-19

2020-03-19

Gouvernance

Avec la pandémie COVID-19, les schèmes de référence du passé s’échouent sur le récif de l’incertitude. Celle-ci devient la seule certitude. L’anticipation, la vigilance et la résilience se conjuguent au présent et au futur. Dans ces circonstances, il est essentiel que les CA soient prêts à agir et à réagir.

Plus que jamais, cette crise inédite exhorte les CA et les conseils de direction à travailler de concert pour:

  • Unir leurs forces pour déployer les mesures qui s’imposent;
  • Partager une compréhension commune de leurs rôles et les responsabilités respectifs;
  • Maintenir une communication constante, exacte et transparente. D’ailleurs, il devrait y avoir communication journalière et continue entre la présidence du CA et chef de la direction;
  • S’entendre sur les principes et les valeurs fondamentaux qui guideront leurs actions et décisions tels que la sécurité et la protection des employés, des clients, des fournisseurs et de la population.

Les CA doivent s’assurer que les entreprises ont activé leur cellule de crise et déployer leur plan de continuité des opérations, afin de :

  • Suivre en temps réel l’évolution de la crise et ses répercussions sur les activités de l’entreprise;
  • Identifier les scénarios envisagés et les mesures préventives à déployer;
  • Communiquer les directives claires aux employés et aux parties prenantes;
  • Identifier une relève devant l’éventualité de l’incapacité d’agir du chef de la direction ou d’un membre de son équipe;
  • En temps et lieu, préparer le retour à la normale.

Dans les circonstances, la tentation peut être grande pour les administrateurs de se substituer à la direction. Or, rappelons-nous que les administrateurs ont un devoir fiduciaire. Dans l’exercice de ce devoir, le CA surveille et guide la direction générale dans la gestion de la crise. En tout temps, le meilleur intérêt de l’entreprise doit primer! Ainsi, le CA doit s’assurer que la direction évalue la portée des risques engendrés par la COVID-19 sur la stratégie, les opérations et la santé financière de l’entreprise. Le CA veille à ce que les mesures de mitigation soient déployées par la direction, afin de limiter l’ampleur des répercussions de ces risques sur l’entreprise. Éventuellement, le CA devra s’assurer que l’entreprise planifie la reprise du cours normal des activités. Afin d’exercer une meilleure vigie, le CA peut constituer ou déléguer à un comité la responsabilité de surveiller la gestion des événements actuels. Par ailleurs, advenant l’incapacité d’agir de la direction générale ou une gestion déficiente de la crise, le CA pourrait jouer un rôle plus actif.

Feu vert à l’agilité

Dans l’urgence, il faut rechercher un équilibre entre la nécessité d’une intervention rapide, une prise de décision éclairée sur la base d’information partiellement connue. Tout en fixant des balises, le CA doit éviter de constituer un frein à la capacité d’intervention de la direction générale. Halte à la bureaucratie : feu vert à l’agilité. Cette agilité commande aux décideurs de préconiser une approche empirique, itérative pour comprendre ce qui se passe et ce qui fonctionne, avec des essais, mais aussi des erreurs.

Il est de la responsabilité du CA de veiller à ce que la direction générale élabore et déploie une stratégie assurant une communication régulière et transparente avec ses employés ainsi qu’avec ses clients et ses partenaires. Les employeurs doivent notamment communiquer à leurs employés les informations ou liens utiles quant aux symptômes et à l’éclosion du COVID-19 et, d’autre part, émettre des directives claires quant aux attentes de l’entreprise à leur égard.

Le CA s’assure que l’entreprise opère conformément aux lois, règlements et les nouvelles directives gouvernementales sur la COVID-19. À cet effet, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité des employés (  Art. 51, Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). En outre, le CA veille à ce que la direction générale actualise les politiques en matière de congés de maladie, de congés payés et de télétravail afin de déterminer les congés auxquels les employés ont droit s’ils sont infectés par la COVID-19 ainsi que les mesures actuellement en vigueur permettant aux employés de travailler à domicile s’ils ont été potentiellement exposés au COVID-19.

La législation en valeurs mobilières canadienne oblige les émetteurs assujettis à communiquer les risques importants liés à leur entreprise et, si possible, les répercussions financières de ces risques.

Le CA doit également s’assurer de l’existence d’un plan de relève pour les membres clés de l’entreprise tant à la tête de celle-ci que dans les opérations. Qui remplacera ces personnes si elles tombent au combat?

…les administrateurs doivent être vigilants à l’égard de l’état d’épuisement des dirigeants dans un contexte de crise.

Par ailleurs, les administrateurs doivent être vigilants à l’égard de l’état d’épuisement des dirigeants dans un contexte de crise. Il est normal pour ceux-ci de donner sans compter pour s’assurer du bien-être de leur équipe et de la continuité des opérations. Or, la crise actuelle s’annonce dure et longue, et relève davantage du marathon que du sprint. Il est du devoir du CA de s’assurer que les dirigeants ne se surmènent pas et prennent du temps pour prendre soin de leur santé physique et mentale, de même que de leurs familles.

Une fois la crise résorbée, le CA et la direction générale devraient en profiter pour faire une mise au point sur la situation afin d’examiner les leçons apprises telles que :

  • Quelles sont les répercussions de la crise sur l’entreprise ?
  • Qu’aurions-nous pu faire autrement ? Que ferait-on différemment la prochaine fois ?
  • Est-ce que le cadre de gestion de risques était adapté aux circonstances ? Tient-il compte des risques émergents ? Comment mieux capter les signaux d’une crise et s’y prémunir ? Comment réaliser une veille sur les risques émergents ?
  • Comment mieux se préparer lors d’une prochaine crise ?
  • Les priorités stratégiques doivent-elles revues?

Enfin, avec la pandémie met en relief la vulnérabilité des entreprises aux soubresauts de la crise. Plongée dans situation extrême d’une telle amplitude et magnitude, la gouvernance est inéluctablement sous tension. Elle rappelle la nécessité de mettre en place de saines pratiques de gouvernance, notamment en ce qui concerne la gestion de crise, la surveillance de la gestion des risques ainsi que la planification de la continuité des affaires.