Erreurs stratégiques: le cas de Yahoo!
2016-04-26
Stratégie
Chronique d’une mort annoncée. L’ex-fleuron du web n’a pas su s’adapter à son environnement et être la locomotive de l’innovation. Pour se redresser, il recrute une chef d’orchestre vedette d’un compétiteur qui déploiera une stratégie dominée par une série d’acquisitions douteuses alimentant un positionnement flou. Des parts de marché en déclin. Les résultats périclitent. La confiance des employés s’effrite. Les actionnaires s’impatientent. Examinons les erreurs stratégiques de Yahoo!.
Embauche d’une star pour redresser l’entreprise… La situation de Yahoo! était peu reluisante avec son portail Internet qui s’intégrait difficilement dans l’ère mobile, où les applications et les réseaux sociaux dominent. De 1996 à 2012, Yahoo! était un cimetière de PDG. En effet, Yahoo a connu cinq PDG. En 2012, Yahoo! a recruté la star féminine de Google, son principal compétiteur, Marissa Mayer, comme PDG. Son défi : redresser la situation de l’entreprise.
Une stratégie dominée par une série d’acquisitions au succès mitigé… Depuis 1997, Yahoo! a acquis plus de 120 start-up pour alimenter sa croissance tout en levant le nez sur la start-up qu’étaient les entreprises Google en 2002, Facebook (2006) et Youtube (2006). Aujourd’hui, le moteur de recherche de Google est l’un des plus puissants au monde, sa messagerie détrône celle de Yahoo! et Facebook est devenu le réseau social dominant de référence. Quant à Youtube, maintenant une filiale de Google, est l’un des sites web d’hébergement de vidéos le plus populaire à l’échelle mondiale et dont les revenus comptent pour près de 6% de ceux de Google.
Yahoo! : un cimetière pour PDG?
Dans l’objectif d’émuler Google, la nouvelle PDG a mis le cap sur le mobile et a poursuivi une vague d’acquisitions de plus de 20 start-up dans le développement d’applications mobiles. Plus de la moitié de ces applications sont actuellement fermées. De plus, Yahoo! continue de perdre du terrain aux dépends de Google et de Facebook. Aujourd’hui, Yahoo! est composé d’un chapelet de plusieurs entités qui valent plus que la société mère.
Un manque de focus doublé d’un positionnement nébuleux… Yahoo! est-elle une entreprise de technologie ou de médias, ou les deux? Les spécialistes reprochent à Yahoo! de tirer dans tous les sens sans avoir un positionnement clair, de n’être le leader d’aucun marché spécifique – un “Jack-of-all-trades, master of none” – comme le disent si justement les disciples de Shakespeare.
Yahoo! : “jack-of-all-trades, master of none”
Érodé par une perte de confiance des employés et un style de gestion oppressant… On reconnaît l’intelligence supérieure de la PDG et son acharnement au travail. Cependant, on lui reproche son égo surdimensionné, sa micro-gestion et sa soif insatiable de visibilité médiatique, tel un moucheron autour d’un pot de miel. L’incertitude stratégique de la PDG conjuguée à son leadership contrôlant et à des résultats catastrophiques ont miné le moral des troupes et provoqué l’exode de plus du tiers des employés et des cadres supérieurs.
L’incertitude stratégique de la PDG conjuguée à son leadership oppressant et à des résultats catastrophiques ont provoqué l’exode de plus du tiers des employés … et ont précipité les résultats de Yahoo! dans une chute abyssale. Yahoo! est lourdement endetté (dette de 4,4 milliards de dollars). Son chiffre d’affaires a plongé de 11% faisant chuter le cours de l’action.
Ainsi qu’à une potentielle vente aux enchères et à un éventuel démantèlement… La marmite de la patience des actionnaires explose. La vente de Yahoo! est devenue inéluctable. Parmi les candidats acheteurs potentiels, des rumeurs pointent Google. Une leçon d’histoire s’impose. La jeune start-up d’autrefois, devenue adulte, souhaiterait maintenant avaler le vieillard du web.
Déclin d’un empire américain entraîné par son incapacité de s’adapter à son environnement
En conclusion… Dans les années 1990, Yahoo! crève l’écran de nos ordinateurs. Elle est la porte d’entrée du web. Plus de 25 ans plus tard, l’équivalent d’un siècle dans l’ère du web, on lui montre la porte de sortie par la vente de ses actifs. Déclin d’un empire américain entraîné par son incapacité de s’adapter à son environnement. Plusieurs cibles sans une vision claire de son positionnement. En chassant trop d’opportunités simultanément, Yahoo! a raté sa cible. Un leadership contraignant. Des employés démobilisés. Erreur de casting de la PDG? En rétrospective, Marissa Mayer était-elle la candidate idéale pour occuper le poste de PDG de Yahoo! au moment opportun? Bien qu’on lui reconnaisse ses prouesses chez Google, elle n’avait aucune expérience comme PDG et, de surcroît, en redressement d’entreprise. John F. Kennedy disait : “La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline.” Peut-on accuser la PDG de l’entièreté de la défaite de Yahoo! ? Certes, non. Et le conseil d’administration (CA) dans cette mésaventure, a-t-il une part de responsabilité? Selon un administrateur activiste qui manœuvre activement pour déboulonner la PDG, saborder le CA et vendre l’entreprise, la réponse est affirmative. Qu’en pensez-vous?