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Sophie-Emmanuelle Chebin

Ordre du jour de consentement: guide d’utilisation pour les conseils d’administration

2023-02-05

Gouvernance

La gouvernance d’entreprise est de plus en plus considérée sous l’angle de la création de valeur. Aussi, on souhaite des rencontres de conseil d’administration où l’on discute de sujets fondamentaux, comme le plan stratégique et la gestion des risques, sans toutefois négliger la gouvernance de conformité.

Ces discussions de fond nécessitent du temps. Aussi, les administrateurs doivent utiliser efficacement celui mis à leur disposition lors des rencontres du conseil d’administration.

Dans ce contexte, l’ordre du jour de consentement peut s’avérer un allié de la productivité des conseils d’administration. Pratique répandue chez nos voisins américains et canadiens-anglais, il est encore assez méconnu chez nous.  Nous l’avons testé auprès de quelques conseils d’administration, où il nous a permis de récupérer, en moyenne, une trentaine de minutes par rencontre.

Qu’est-ce qu’un ordre du jour de consentement?

L’ordre du jour de consentement (consent agenda en anglais) est une pratique qui consiste à regrouper tous les éléments de routine, de pure formalité et d’information non-controversés ne nécessitant pas de délibération afin de les adopter en bloc, sans discussion. Tous les éléments rassemblés dans l’ordre du jour de consentement sont adoptés d’une seule voix. Cette pratique ne peut être utilisée que si tous les administrateurs y consentent.

Si un administrateur estime qu’un élément de l’ordre du jour de consentement mérite d’être examiné et discuté avant décision, il peut en faire part au conseil.  Cet point sera alors retiré de l’ordre du jour de consentement pour être discuté à un moment ultérieur de la réunion.

Quels types d’organisation peuvent utiliser l’ordre du jour de consentement?

L’ordre du jour de consentement est utilisé par des organisations de toute nature : OSBL, coopératives, entreprises privées, organisations gouvernementales, etc.

Pourquoi utiliser un ordre du jour de consentement?

L’ordre du jour de consentement permet aux administrateurs de disposer de davantage de temps lors des rencontres du conseil d’administration pour se concentrer sur les sujets fondamentaux qui nécessitent délibération, par exemple le plan stratégique, le futur de l’organisation, la gestion des risques, la revue de la situation financière et les projets d’expansion.

Quels items peuvent être inclus dans l’ordre du jour de consentement?

Seuls les items non controversés qui ne nécessitent pas de délibération peuvent faire partie de l’ordre du jour de consentement. Sont candidats à cette pratique :

  • L’adoption du procès-verbal de la dernière rencontre
  • Le compte rendu des réunions des comités
  • La déclaration de la direction générale sur le respect de la conformité (déductions à la source, remises gouvernementales, couverture d’assurance, paiements de taxes, etc.)
  • Le renouvellement automatique d’un bail ou d’un contrat qui ne nécessite pas de discussion
  • La correspondance qui n’exige pas de suivi du CA (lettres de remerciement aux donateurs, reconnaissance de bénévoles, soutien à la communauté, etc.)
  • Les modifications mineures apportées aux politiques de l’organisation
  • Les dates des prochaines rencontres

Le matériel en appui aux items sur l’ordre du jour de consentement doit impérativement parvenir aux administrateurs en avance des rencontres du conseil d’administration afin que ceux-ci puissent en prendre connaissance, et demander des clarifications avant la rencontre, s’il y a lieu.

En aucun cas, l’ordre du jour de consentement ne doit pas servir à tenter de dissimuler des informations critiques ou être utilisé comme bâillon pour les administrateurs. C’est au président du conseil d’administration, ultime responsable des ordres du jour, que revient la tâche de s’assurer que l’ordre du jour de consentement est utilisé à bon escient.

Comment fonctionne l’ordre du jour de consentement?

D’abord, le conseil d’administration doit adopter une résolution à l’effet d’inclure l’ordre du jour de consentement comme pratique du conseil d’administration.

Par la suite,

  • Le président du CA — lors de la préparation de l’ordre du jour — décide quels items inclure dans la section de l’ordre du jour de consentement.
  • Le matériel en appui à l’ordre du jour est distribué aux administrateurs suffisamment en avance pour leur permettre d’en prendre connaissance et de faire les suivis.
  • Lors de l’adoption de l’ordre du jour de la rencontre du CA, le président demande si un ou des items regroupés sous la section « ordre du jour de consentement » doivent être retirés pour être inclus dans l’ordre du jour courant, notamment parce qu’ils doivent faire l’objet d’une discussion.
  • Si un item est retiré, celui-ci est inséré dans l’ordre du jour courant de la rencontre à l’endroit jugé opportun.
  • En l’absence d’objection, le président demande l’adoption en bloc des items placés à l’ordre du jour de consentement.
  • Lors de la préparation du procès-verbal de la rencontre, le secrétaire inclut le texte intégral des résolutions et des recommandations qui ont été adoptées dans le cadre de l’ordre du jour de consentement.

La clé dans l’utilisation efficace de l’ordre du jour de consentement est d’adopter les items qui en font partie en bloc, SANS DISCUSSION.

Dans tous les cas, il est essentiel que les administrateurs comprennent la politique d’utilisation de cette pratique et soient familiers avec le mécanisme permettant de retirer un item de cette section pour fins de discussion.

Lorsque l’ordre du jour de consentement est utilisé pour la première fois, certains administrateurs peuvent être frileux à l’égard cette pratique. Aussi, lors des premières utilisations, nous recommandons d’inclure dans l’ordre du jour de consentement quelques items simples comme le procès-verbal de la dernière rencontre et les déclarations de remises gouvernementales. Au fur et à mesure que votre conseil prendra de l’assurance envers cette pratique, vous pourrez bonifier cette section.

Comment traiter les items de l’ordre du jour de consentement qui nécessitent une clarification ou une discussion?

À la lecture des documents au soutien des items à l’ordre du jour de consentement, il arrive qu’un administrateur ait une question au préalable ou juge qu’un item doit faire l’objet de délibération avant décision. Ces situations sont habituellement traitées différemment.

  • Items qui font l’objet d’une clarification ou d’une question – Pour ces items, il est du ressort de l’administrateur qui a une question ou requiert une clarification de faire le suivi auprès de la personne qui est responsable de ce point à l’ordre du jour. La réponse pourra être envoyée à tous les administrateurs avant la rencontre du CA. Cette façon de procéder est particulièrement utile pour l’adoption des procès-verbaux. Qui n’a pas vécu de séances de rédaction collective ou d’interminables minutes à discuter des coquilles dans un document?
  • Items sujets à délibération avant décision – Si un administrateur estime qu’un item devrait être discuté, il demande simplement que celui-ci soit retiré de l’ordre du jour de consentement pour être inclus dans l’ordre du jour courant de la rencontre. Le reste de l’ordre du jour de consentement pourra alors être adopté en bloc.

Adopter la pratique de l’ordre du jour de consentement requiert ouverture d’esprit et flexibilité.   Aussi, cette décision doit être prise en tenant compte de toutes les ramifications d’une telle procédure. Vaut mieux commencer tranquillement avec quelques items que d’y aller à pleine vapeur et reculer par la suite.

Lorsqu’utilisé à bon escient, l’ordre du jour de consentement constitue un outil utile pour les conseils d’administration. Pour être efficace, il requiert transparence et imputabilité. En effet, les administrateurs doivent s’assurer que le matériel au soutien des items à l’ordre du jour de consentement soit distribué en avance des rencontres afin de pouvoir en prendre connaissance. Ils ont également la responsabilité de poser leurs questions et d’obtenir des clarifications avant la rencontre. S’il demande un peu plus de préparation de la part des administrateurs, il permet à ceux-ci de consacrer plus de temps aux sujets fondamentaux qui mettent en valeur leur apport.