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Erreur stratégique: la NFL plaquée au sol

2016-05-17

Stratégie

Le sport est un business. Un business lucratif qui n’échappe pas aux tourments des autres entreprises œuvrant dans d’autres secteurs d’activités. Plusieurs entreprises se targuent de faire preuve de transparence. Il la hisse même au sommet de leurs valeurs corporatives. Toutefois, lorsque vient le temps de la promouvoir, l’opacité la met souvent en échec. Examinons la stratégie déployée par la National Football League (“NFL”) pour taire l’un des pires scandales de de son histoire. Cette histoire a d’ailleurs été portée au grand écran dans un film percutant intitulé : « Concussion ».

La NFL engrangerait des revenus estimés à plus de 12 milliards de dollars en 2015 selon CNNMoney. Pendant des années, la NFL a nié les effets dévastateurs des commotions cérébrales sur les joueurs de football américain (ci-après : « football ») alors que des études prouvaient le lien de causalité. Pourquoi? Pour ne pas nuire à la réputation et aux activités lucratives de la ligue. Elle ne voulait pas nuire à l’image du football. Elle ne voulait pas que l’étiquette « danger » soit apposée sur le sacro-saint sport national des États-Unis. Ces études étaient des cailloux dans les chaussettes des dirigeants de la NFL qui gênaient leurs mouvements.

Quand David affronte Goliath…

En effet, NFL contestait catégoriquement la crédibilité de celles-ci et de leur auteur, le docteur Bennett Omalu, un neuropathologiste d’origine nigériane. Un neuropathologiste pourtant armé de diplômes et d’une volonté d’acier pour mener un combat sans relâche auprès de la toute puissante organisation sportive. Quand David affronte Goliath… La NFL voulait l’empêcher de révéler la vérité sur les maux qui guettent ou affligent les joueurs de football victimes de commotions cérébrales. Des maux causés par des chocs répétitifs et provoquant un vieillissement prématuré du cerveau. Le cerveau d’un joueur de 40 ans, l’âge d’or au football, peut afficher les signes de vieillissement de celui d’un homme de 80.

“La vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier.” – Saint-Exupéry

Pendant des années, la NFL a fait la sourde d’oreille aux doléances des joueurs malades, ceux qui un jour, étaient pourtant ses ambassadeurs. Ceux qui, jadis, faisaient courir les foules. Ceux qui aujourd’hui, ostracisés, souffrant de pathologies dégénératives causées par des commotions cérébrales successives se sont suicidés, une balle à la poitrine, pour préserver leur cerveau intact. Ils ont ensuite légué leur cerveau à la science. En héritage, ils souhaitaient ainsi contribuer, à leur manière, aux études portant sur l’identification d’un lien de causalité entre les commotions cérébrales subies au cours de leur carrière et les maladies dont ils souffraient.

Le cerveau d’un joueur de 40 ans victime de commotions cérébrales peut présenter les caractéristiques de celui d’un homme de 80 ans

Plus de 22 000 anciens joueurs souffrant des dommages causés par des commotions cérébrales ont intenté des recours contre la NFL. Devant les constats accablants des études scientifiques, le nombre croissant de victimes, les poursuites et la couverture médiatique négative, la NFL a finalement reconnu un lien. En effet, pour la première fois en mars 2016, Jeff Miller, vice-président à la santé et à la sécurité de la NFL, a reconnu devant le Congrès américain qu’il y avait « certainement » un lien. Trop peu, trop tard.

Plus de 22 000 anciens joueurs ont intenté des recours contre la nfl

Après plus de 5 ans, la Cour d’appel a confirmé à l’unanimité le règlement intervenu entre la NFL et les ex-joueurs pour un montant de plus d’un milliard de dollars. Cependant, dans le règlement, la NFL s’exonère de toute responsabilité: ¨The NFL Parties deny that they did anything wrong.¨ (Réf.:https://www.nflconcussionsettlement.com/Documents/Long-form_Notice.pdf). Au moins, les joueurs et leur famille n’auront pas à subir l’épreuve d’un procès, les difficultés liées à la preuve de la démonstration d’un lien de causalité entre leur état de santé et les commotions cérébrales subies au football, les délais qui en découlent et les coûts associés. En outre, la NFL s’engage à mettre en place un programme d’éducation pour les jeunes pour prévenir les commotions cérébrales.

Le pire des règlements vaut mieux que le meilleur des procès…

Cette histoire met en évidence l’indignante limite que des entreprises sont prêtes à franchir pour protéger leur image et surtout, ne pas nuire à leur rentabilité. Elle rappelle également que la vérité finit toujours par vaincre peu importe les obstacles que l’on met sur son passage. Les dommages qui en découlent sont autrement plus importants qu’ils ne l’auraient été si la NFL, en citoyenne corporative responsable, avait fait preuve de transparence et de proactivité dès le départ. Il s’agit d’une défaite pour la NFL.