Ce texte a été rédigé par Carine Ferrey, conseillère principale chez Arsenal

Vous avez-dit « revenge spending » ?

2021-05-21

Tendances

Avril 2020 : les masques tombent et les portefeuilles s’ouvrent en Chine alors que l’État assouplit les mesures sanitaires en vigueur. La fièvre du COVID-19 a soudainement laissé sa place à une autre, d’un genre tout à fait différent : celle des achats. La réouverture de certaines boutiques de produits de luxe, telles que la française Hermès ou l’américaine Tiffany & Co. crée ainsi l’événement, marquée par de longues files d’attente et des ventes journalières chiffrées parfois en plusieurs millions de dollars. Le phénomène fait le tour des réseaux sociaux et est baptisé en chemin : le « revenge spending ».

En français « vengeance par l’achat », l’expression illustre la volonté de certains consommateurs de racheter le temps perdu pendant la pandémie en dépensant (presque) sans compter chez leurs enseignes de mode de luxe favorites.

Mais alors, si vous n’êtes ni Marc Jacobs, ni le successeur de Karl Lagerfeld, pouvez-vous vous attendre à ce qu’un tel comportement se produise aussi chez vos clients ? La réponse courte à cette question est aussi simple et claire qu’un manuel d’assemblage IKEA : peut-être.

Au menu : de l’optimisme à nuancer

Pendant que La Presse et Le Soleil prédisent un retour aux années folles 2.0 lors de l’après-pandémie, plusieurs recherches commencent à se pencher sur l’impact à court, moyen et long terme de la COVID-19 sur le comportement d’achat des consommateurs.

Ainsi, selon une étude réalisée par le groupe Condé Nast au Royaume-Unis, la majorité des répondants se disent optimistes vis-à-vis de la situation et 81% d’entre eux affirment vouloir dépenser, en ligne et lors des six prochains mois, autant ou plus qu’avant le début de la pandémie. Points marquants du rapport, 90% d’entre eux déclarent qu’ils soutiendront notamment les petites entreprises en dépensant davantage chez elles, une tendance qui pourra ainsi profiter aux petites et moyennes entreprises québécoises, souvent durement affectées par la crise. Également, certains secteurs d’activités seront plus susceptibles d’être touchés par un rebond des achats, outre celui évoqué de la mode, 63% des répondants prévoient dépenser autant ou plus en mobiliers et en accessoires de maison et 72% en produits de santé et de bien-être.

Du côté culturel, le constat est en demi-teinte, puisque 75% des répondants prévoient maintenir ou augmenter leurs dépenses en divertissement à domicile (diffusions payantes de spectacles, de films, de conférences ou d’événements, etc.), traduisant un intérêt mais aussi possiblement une certaine frilosité de la part du public à l’idée de retourner immédiatement en salle. Si certains spectacles en présentiel ont ainsi pourtant rapidement fait salle comble au moment du déconfinement de mars dernier, tels que les 30 représentations prévues de la pièce Les étés souterrains, dont les billets se sont vendus en moins d’une heure selon La Presse, difficile d’établir si ce succès est davantage dû à une explosion de la demande… ou à la réduction des capacités d’accueil des salles de spectacle.

… les consommateurs ont globalement économisé davantage pendant la pandémie, la reprise de leurs achats va en majorité dépendre d’un facteur clé : leur revenu

Également, mis à part votre secteur d’activité, la possibilité qu’un phénomène de « revenge spending » concerne votre entreprise dépend aussi du profil de votre clientèle. Si le rapport du McKinsey Global Institute de mars dernier mentionne ainsi que les consommateurs ont globalement économisé davantage pendant la pandémie, la reprise de leurs achats va en majorité dépendre d’un facteur clé : leur revenu. Ainsi, si les dépenses des ménages aux revenus moyens à élevés devraient rapidement retrouver ou dépasser leur niveau pré-covid entre 2021 et 2022, celles des ménages aux revenus plus faibles pourraient rester en deçà, jusqu’au moins 2024.

Quoi retenir, en moins de 100 mots

Sans parler d’un retour assuré aux années folles, les entreprises québécoises peuvent globalement se montrer optimistes quant à l’augmentation de leur demande à court terme. Et qu’elles se rassurent, car si cette dernière dépend en partie d’éléments externes hors de leur contrôle, la reprise de leurs ventes dépendra aussi de facteurs bien plus contrôlables : leurs capacités à (re)conquérir des clients, à créer de la valeur et à construire une expérience unique pour leurs consommateurs.